Les Etats-Unis du Sud à l’honneur !
Il y a des hasards de lecture qu’on ne s’explique pas. Des livres à points communs et que tout oppose. C’est ainsi que mes deux lectures consécutives se sont situées en Amérique du sud, en Alabama pour l’une, en Virginie pour l’autre, l’Amérique profonde et raciste d’un côté, l’Amérique clinquante de l’autre. Avec des héros qui auraient tout pour coller au tableau, une ancienne Miss, un homme issu d’une famille que tout le monde respecte. Et le même acharnement à vouloir en finir avec leurs vies. On devine des blessures, des fragilités, l’angoisse de la vieillesse d’un côté, une enfance vacillante de l’autre. Des débuts de roman un peu longs à se mettre en place avant que tout n’explose. Et la comparaison s’arrêtera là car la légèreté de l’un ne fera que renforcer l’épaisseur et la noirceur de l’autre, un happy end frivole face à un manifeste poignant.
Féroces de Robert Goolrick prend aux tripes. Le roman est construit en deux parties, la deuxième apportant un éclairage radical à la première. On découvre les Goolrick dans les années 1950 « beaux et brillants, et leur maison magique. Puis j’ai commencé à les trouver ordinaires puis, pour finir, pitoyables », comme l’inscrit un personnage dans un album photo. C’est le temps des cocktails, des soirées, de la quête de la perfection en façade, et l’alcool, les excès, la haine. On découvre Robert qui se bat pour exister dans ce monde, à travers ses études, sa présence auprès des autres, son incapacité d’amour et d’amour propre, les rêves de cadeaux à sa mère qu’il finira par combler à coup de cartes de crédits. En vain. Brisé, haché. On imagine à peine, et l’auteur se demande lui-même comment il a fait pour continuer. Puis soudain tout prend du relief. Et on se demande effectivement comment a-t ’il fait pour continuer, à vivre ou survivre, à rester dans ces lieux, à accompagner jusqu’à la mort ceux qui ont fait mourir son étincelle. Dans quels états se mettre pour supporter ? Comment ont-ils fait, eux ? Jusqu’où les ravages d’une famille peuvent atteindre ses membres dans leurs âmes ?
Si ce roman est multi-facettes, l’écriture reste toujours fluide, directe et crue. Il met mal à l’aise, surtout quand on sait qu’il est autobiographique. Il est marquant. Il est de ces livres que le dénouement vous emporte dans des questionnements profonds et qu’il faut laisser poser un peu après coup.
Et si vous n’êtes pas prêt, vous pouvez toujours passer un bon moment de lecture avec Miss Alabama et ses petits secrets de Fannie Flagg. Il y est question d’immobilier et des querelles entre ses agents, de personnages haut en couleur, entre une vieille dame couverte de mauve, d’une diabétique accro aux glaces et aux pâtisseries et d’une naine qui n’avait pas son pareil pour tirer parti de sa différence, avec en fond un mystère qui nous emmènera en Ecosse. C’est optimiste, confortable, cousu de fil rose bonbon. Et l’on peut aussi en retenir que son héroïne avait lu quelque part que les quatre premières années de l’enfance étaient déterminantes. Voilà de quoi reboucler avec le roman de Goolrick.
Il ne reste plus qu’à choisir par lequel commencer !
AmElie.
Gwenn Ha Lu: Merci AmElie pour cet article deux en un, ces belles découvertes et ton analyse croisée. Féroces, j’en suis sûre va rejoindre ma PAL, ma pile à lire !
TITRE : Féroces AUTEUR : Robert Goolrick EDITEUR : Editions Anne Carrière NOMBRE DE PAGES : 254 pages DATE DE PARUTION : 26/08/2010
TITRE : Miss Alabama et ses petits secrets AUTEUR : Fannie FLAGG EDITEUR : Editions du Cherche Midi NOMBRE DE PAGES : 446 pages DATE DE PARUTION : 07/05/2014